« Chaque jour je découvre quelque chose de nouveau que je peux faire avec Nevez »

Depuis la fin 2019, Nevez (prononcez « Névé », c’est du breton) accompagne Virginie Birobent dans son travail au sein du Service d’Intégration des Aveugles et Malvoyants des Yvelines (SIAM 78), lequel dépend de l’association APAJH (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés). Avec son golden retriever de 4 ans, la psychologue se déplace tous les jours pour aider des jeunes en leur apportant notamment un soutien émotionnel. Elle nous raconte ce qui a changé pour elle, et ses bénéficiaires, depuis l’arrivée du chien d’assistance.

© Daniel Malherbe

HANDI’CHIENS : Quelle est la mission du SIAM 78 ?
Virginie BIROBENT : Le SIAM 78 est un service d’intégration pour aveugles et malvoyants. Nous suivons 90 jeunes âgés de zéro à vingt ans sur tout le département des Yvelines. Nous sommes une équipe pluridisciplinaire et allons voir les enfants sur place que ce soit en ULIS, en école de quartier, en crèche, au lycée ou même à la maison.

H. C. : Quel est votre rôle ?
V. B. : Je suis psychologue au sein de l’antenne de Sartrouville. Il y en a une autre à Voisins-le-Bretonneux.

H. C. : Comment est née l’idée d’intégrer un chien d’assistance au SIAM 78 ?
V. B. : On travaille « à domicile » mais chaque fin d’année on essaie de faire une sortie afin que les jeunes se regroupent. En 2017, nous avons fait une sortie avec pour thème l’accrobranche et certains jeunes non-voyants étaient là avec leur chien guide. Comme j’adore les animaux, je me suis portée volontaire pour les garder. Et là tous les autres jeunes sont venus me voir et m’ont posé des questions. Je me suis rendu compte à quel point l’animal facilitait la parole. Je me suis dit : « il faut qu’on ait un animal au SIAM ». J’ai fait des recherches, je suis tombée sur HANDI’CHIENS, j’en ai parlé à ma directrice puis on a monté un dossier. Et aujourd’hui Nevez est là.

H. C. : Quels autres aspects positifs avez-vous remarqués depuis son arrivée ?
V. B. : Beaucoup de choses. Par exemple l’autre jour un jeune m’a dit ceci : « quand tu venais me voir à l’école, avant c’était normal mais maintenant avec Nevez je suis trop fier ». C’est parce qu’en fait, quand j’arrive avec Nevez dans une école, les enfants me demandent s’ils peuvent le caresser mais je refuse en leur disant que ce n’est que pour les enfants malvoyants. Du coup certains viennent me voir en prétextant avoir mal aux yeux pour le caresser ! Ils regardent le bénéficiaire non plus en se disant « oh il est handicapé » mais en disant « oh la chance il a le droit de travailler avec le chien, lui ». Donc il y a aussi ce regard-là qui a changé. Et puis, plus globalement, le chien est un véritable facilitateur social. Et chaque jour je découvre quelque chose de nouveau que je peux faire avec Nevez. Par exemple l’année dernière, pour un jeune avec un syndrome Asperger, donc avec une très forte anxiété dès qu’il s’agit de prendre la parole, nous avons obtenu l’autorisation de l’accompagner lors de son oral du bac de français. On était tous les trois sur une couverture, cela a permis de calmer son anxiété et il a eu 14. C’était top.

© Antonio Miguel

H. C. : Les jeunes ont-ils tous réagi positivement ?
V. B. : Non, pas tous. Car il y en a toujours qui ont très peur du chien. Certains sont presque terrorisés parce qu’il faut bien se rendre compte qu’ils ne voient pas l’animal en plus. Je fais de la sensibilisation à cette peur du chien mais cela ne marche pas tout le temps. Mais cela concerne une toute petite partie des jeunes.

« Je vais devoir lui organiser deux goûters d’anniversaire ! »

H. C. : Êtes-vous la seule référente de Nevez ?
V. B. : Nous étions trois au départ. Et puis la Covid est arrivée et c’est moi qui l’ai gardé pendant le confinement. Ensuite c’était compliqué avec mes collègues en raison des mesures sanitaires, pour le faire changer de maison notamment. Et comme nous avons forcément créé des liens tous les deux, il n’y a plus que moi qui travaille avec lui. On ne peut pas se lâcher. Et si j’en ai vraiment besoin, une des deux autres référentes le prend avec elle en relais mais sinon il est tout le temps avec moi.

© Daniel Malherbe

H. C. : Quelles activités faites-vous avec Nevez ?
V. B. : C’est très varié. On fait beaucoup de soutien émotionnel. On fait aussi beaucoup de jeux d’intelligence. Vous savez, les petits jeux où il faut tirer, soulever une trappe, faire basculer quelque chose pour attraper des croquettes… Je m’en sers avec les enfants pour leur enseigner la persévérance. J’achète un nouveau jeu, on l’ouvre ensemble ; Nevez ne comprend rien, n’y arrive pas, et à force de tenter des choses et de trouver de nouvelles stratégies il va y arriver. Alors on transpose cela à l’apprentissage de la canne ou à quelque chose qui les touche dans le milieu scolaire. On leur explique que si Nevez finit par y arriver en travaillant, eux aussi seront capables de maîtriser des choses un peu casse-pieds. On fait aussi des jeux de cache-croquettes, et ça permet à des petits qui sont non-voyants de pouvoir bien se repérer dans une pièce. On se balade dehors aussi, on se promène dans la rue, on fait des jeux de balles. Nevez peut aussi accompagner des enfants lors des rendez-vous difficiles à l’hôpital afin qu’ils soient davantage rassurés.

H. C. : Nevez vous a donc aussi beaucoup apporté dans votre travail au quotidien…
V. B. : Oui vraiment. Et pour vous conter une petite anecdote, sachez que Nevez va avoir 4 ans le 28 novembre. Et je me suis dit que j’allais organiser un petit goûter d’anniversaire en son honneur. Mes collègues m’ont prise pour une débile, mais figurez-vous que finalement je vais devoir organiser deux goûters car on a reçu trop de réponses par rapport à ce qu’on envisageait ! C’est l’euphorie, et tout le monde prépare des cadeaux pour lui faire une grosse fête.

H. C. : Ce sont les enfants et les collègues qui vont venir ?
V. B. : Les enfants et leurs parents. Ils vont venir à Sartrouville du coup. Il y aura un goûter le samedi 27 et un autre le 11 décembre. On ne pensait pas qu’il y aurait autant de réponses. Et beaucoup d’ados en plus ! On pensait surtout toucher les plus petits, mais même les adolescents et leurs parents nous ont dit « on ne veut pas louper cela »… C’est vraiment drôle.

H. C. : L’arrivée de Nevez n’a apporté que du positif donc.
V. B. : Tout à fait même si le petit bémol c’est que certains établissements scolaires, car on intervient beaucoup dans les écoles, ne veulent pas du chien. Là par exemple en ce moment il y a un collège avec lequel je suis en train de négocier car ses dirigeants ne veulent pas faire entrer le chien dans leur enceinte. Je me suis donc retrouvée à effectuer un rendez-vous dans ma voiture car il pleuvait. Des fois ça bloque, c’est quand même compliqué. Pratiquement toutes les écoles nous ouvrent leurs portes mais je dirais quand même que chaque année il y en a une qui bloque à ce niveau. Même si c’est quand même bien accepté dans l’ensemble.

 

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