La courageuse Eleanor privée de rentrée scolaire

La MDPH de l’Isère n’avait encore jamais eu à accorder d’autorisation pour l’entrée d’un chien d’éveil dans un établissement scolaire. C’est malheureusement Eleanor, 9 ans, en phobie scolaire mais décidée à retrouver l’école, qui essuie douloureusement les plâtres. Sa chienne Pastelle n’est pas la bienvenue dans les salles de classe malgré le soutien de la direction de l’établissement. Sa mère Alexandra, prise de court, se bat tant qu’elle le peut pour que la situation se débloque.

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Être absent le jour de la rentrée scolaire était sûrement le vœu pieu de beaucoup d’enfants parmi les douze millions et quelques appelés à reprendre le chemin de l’école jeudi 1er septembre. Pas pour Eleanor, étudiante en CM1 aux Avenières Veyrins-Thuellin (Isère), qui se languissait de retrouver les salles de classe après une année de CE2 passée à la maison, inscrite au Cned réglementé.

Eleanor a décidé de surmonter sa phobie scolaire cette année grâce à Pastelle, le seul berger allemand d’éveil de HANDI’CHIENS, remise à la petite fille fin septembre 2021. « Ma fille est extrêmement autonome avec Pastelle, elles sont très fusionnelles toutes les deux, confie Alexandra, sa maman. Eleanor a fait beaucoup de progrès grâce à Pastelle qui l’a aidée dans beaucoup de domaines, et elle a accepté l’idée de retourner à l’école à condition que sa chienne soit présente à ses côtés. »

Tout a été préparé en amont : visite de « repérage » de l’école en mai dernier, rencontre avec la directrice de l’établissement, bref tout ce qui s’avère nécessaire pour « une scolarisation progressive, afin que tout se fasse en douceur pour Eleanor et Pastelle », souligne la maman. Les élèves ont ensuite été prévenus et, pour ceux susceptibles d’être dans la même classe qu’Eleanor, une vidéo sur les chiens d’assistance a été diffusée à des fins de sensibilisation. « Il n’y a pas d’enfants allergiques dans la classe, indique Alexandra. Et l’A.E.S.H. [Accompagnant d’Élève en Situation de Handicap, ndlr] a été choisie sachant qu’elle accompagnerait un enfant qui a un chien. »

Un mois d’août contre la montre

L’affaire se corse en juillet, quand la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH) annonce à Alexandra que Pastelle ne pourra pas accompagner Eleanor à l’école. Le problème étant que la Carte Mobilité Inclusion (CMI) de sa fille est de type « priorité » et non pas de type « invalidité » qui propose une mention « besoin d’accompagnement », traditionnellement aux personnes non-voyantes. Il faut donc que la MDPH mentionne le chien d’éveil dans le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) d’Eleanor.
Alexandra, pensant alors que la MDPH de l’Isère « n’est tout simplement pas au courant qu’elle a le pouvoir de rédiger ce papier », contacte donc directement d’autres parents de jeunes bénéficiaires HANDI’CHIENS et récolte (« avec leur accord bien sûr ») les copies des PPS de deux enfants d’autres départements, dont l’un du même âge qu’Eleanor. Elle les transfère à la MDPH qui fait la sourde oreille jusqu’à la mi-août avant de téléphoner à Alexandra pour lui faire savoir qu’elle campera sur sa position tant qu’elle n’aura pas consulté l’Agence Régionale de Santé.

Une semaine avant la rentrée, Alexandra reçoit un mail provenant de la Cellule médiatrice de l’Éducation nationale lui confiant qu’il avait été demandé à la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) de faire une exception pour Pastelle. Sans succès. Et Eleanor, qui « déteste l’incertitude », accuse terriblement le coup : « elle a des soucis d’asthme et son état s’est dégradé de façon assez importante. Elle m’a dit ‘je n’irai pas à l’école sans Pastelle’. »

Ping-pong entre MDPH et Éducation nationale

« Les administrations se renvoient la balle, déplore Alexandra. Je pense que j’ai contacté toutes les personnes et instances possibles et imaginables pour faire bouger les choses. Non seulement pour ma fille mais aussi pour tous les autres enfants. Ce n’est pas normal d’interdire à un enfant de venir à l’école avec son chien d’éveil ou d’assistance. Ces chiens apportent énormément y compris dans l’apprentissage. » Au fil de ses échanges avec le Ministère, l’Éducation nationale ou encore le Défenseur des droits, Alexandra constate rapidement qu’il existe une disparité entre territoires. Elle plaide pour une clarification de la législation au niveau national afin que les familles concernées puissent suivre une procédure simplifiée mais surtout uniformisée. « C’est ce qui manque actuellement », regrette-t-elle.

Pour l’heure, Eleanor est contrainte de prendre son mal en patience depuis la maison, en classe virtuelle, d’autant que l’Éducation nationale lui a retiré son AESH vendredi 9, laissant la jeune fille « dévastée » dixit sa maman. « C’est compliqué car d’un côté elle a envie d’y aller, d’un autre ce n’est pas envisageable pour elle sans Pastelle », témoigne Alexandra. Et de préciser que sa fille ne pourrait de toute façon envisager qu’un rythme partiel à l’école, donc « au maximum seulement les matins ». Suffisant cependant pour permettre à Eleanor de remettre un pied dans la scolarisation en établissement. « Tout avait été préparé en amont mais ça bloque car il manque juste un bout de papier » que la MDPH pourrait mettre des mois à délivrer. Voire pas du tout, quand bien même la loi donne raison à Alexandra.

Eleanor est aujourd’hui en CM1. Si la situation ne se décante pas rapidement, elle sera contrainte de se tourner à nouveau vers le Cned réglementé. Puis l’entrée au collège approchera ensuite à grands pas. « Et quand un enfant en phobie scolaire est jeté dans une espèce de grand bain avec je-ne-sais-combien de salles, de professeurs, tout ça… Cela peut être terriblement angoissant, redoute Alexandra. Ce serait quand même mieux qu’elle puisse reprendre son cursus doucement mais sûrement. »

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