Médiation animale : Agnès, une référente chien d’accompagnement social

Agnès est référente chien d’accompagnement social au sein d’un établissement pour enfants déficients visuels. Rééducatrice spécialisée dans la relation d’aide par la médiation animale, elle a travaillé avec cinq chiens depuis la fin des années 1990. Les résultats qu’elle a obtenus ont convaincu les plus sceptiques de ses collègues. Perplexes hier, ils n’hésitent pas aujourd’hui à lui demander conseil.

Agnès a eu une idée folle. Enfin, « folle » pour les autres. Et surtout pour l’époque : 1998. Cette rééducatrice, spécialisée dans la relation d’aide par la médiation animale, n’a pas oublié le moment où elle a suggéré de faire appel à un chien dans le cadre de sa mission (accompagner des jeunes déficients visuels avec handicaps multiples dans leur développement et leur éveil sensoriel, cognitif et psychomoteur). « Les gens ne comprenaient pas, ils trouvaient l’idée à côté de la plaque. Les regards étaient un peu moqueurs », se remémore-t-elle.

Plus de vingt ans plus tard, Agnès a mis sa carrière un peu entre parenthèses mais elle est encore régulièrement contactée par des membres du personnel de l’institut parisien dans lequel elle travaillait afin de leur prodiguer des conseils. La médiation animale a fait ses preuves à mesure qu’Agnès faisait son chemin dans cet établissement, dans lequel elle a été référente de trois chiens d’accompagnement social HANDI’CHIENS. « Je n’ai pas du tout été aidée par mes collègues au départ, mais j’étais vraiment convaincue et j’avais l’appui indéfectible de mon directeur, souligne-t-elle. Et puis au fil du temps, ils ont pu se rendre compte que je pouvais obtenir des résultats de façon beaucoup plus rapide que s’il n’y avait pas de chien auprès des enfants ».

Panoplie thérapeutique

L’apport et les compétences d’un chien d’accompagnement social sont aujourd’hui reconnus. Ces chiens sont déployés dans différentes structures (Ehpad, centre de rééducation, hôpital, etc) et dans le cas d’Agnès, il faisait partie d’une « panoplie thérapeutique » au sein d’une « équipe pluridisciplinaire » intervenant auprès de jeunes de 3 à 20 ans. « Il y a notamment un psychologue, un psychiatre, un psychomotricien, un ergothérapeute, des enseignants, des éducateurs, liste Agnès. On réfléchit en équipe à la meilleure façon possible d’aider le jeune patient. Ce n’est pas forcément le chien qui va l’aider ».

Prenons le cas d’un patient adolescent qui présenterait une grande colère intérieure dont les manifestations seraient violentes. La mission d’Agnès est « d’aider le jeune à canaliser sa violence et sa colère pour ensuite l’accompagner vers une réflexion sur sa propre émotion autour de la frustration ou la colère ». En parallèle, un professeur de sport peut lui permettre de travailler la force physique pour apprendre à la contrôler tandis qu’un psychologue l’aidera à mettre des mots sur ce qu’il ressent. « C’est un travail d’équipe, souligne la rééducatrice. Et le chien est un élément thérapeutique supplémentaire ».

Les retours ont été, pour la très grande majorité, très positifs. « Les enfants sont ravis mais il y en a quand même quelques-uns qui ont des réticences, d’autres qui ont peur ou n’ont culturellement pas le droit de toucher au chien », relate-t-elle. Et de préciser que ce n’est pas tant par rapport à leur âge que les patients accueillaient plus ou moins bien l’animal, mais plutôt selon leur handicap. Le déploiement d’un chien d’accompagnement social est bien entendu strictement encadré. « Nous avons signé une charte de bonne conduite pour utiliser l’animal avec une éthique professionnelle, avec respect, témoigne Agnès. HANDI’CHIENS a un droit de regard sur notre travail et sur la bonne santé du chien ».

Le jour où Roucky a mis tout le monde d’accord

Des cinq chiens avec lesquels elle a travaillé, Agnès a eu le premier en 1999 à une époque où HANDI’CHIENS ne proposait pas autant de formations qu’à présent. Un deuxième en 2005, puis un troisième en 2009. A leur retraite, ces trois chiens ont fini leurs beaux jours sous le toit de la rééducatrice pour qui il est hors de question de se séparer d’un animal s’étant naturellement profondément attaché à elle au cours de sa carrière. Deux chiens partagent encore sa vie. Iouko, 8 ans, est toujours apte au service mais ne peut actuellement pas exercer en raison du contexte sanitaire persistant. Et Roucky, 10 ans, est aujourd’hui à la retraite en leur compagnie. Agnès garde un souvenir très fort de l’une de ses interventions, il y a deux ans. Le cas d’une jeune fille « de 16, 17 ans » dont les pulsions agressives et violentes représentaient un danger pour les autres et surtout pour elle.

« On est venu me chercher en me disant ‘viens avec ton chien, on ne sait plus quoi faire pour tenter de la calmer’ alors je suis arrivée avec RouckyC’est un gros golden massif, très poilu, extrêmement doux et délicat, précise-t-elle. La jeune fille était au sol, elle se débattait et il fallait quatre personnes pour l’empêcher de lancer des objets et de se blesser. J’ai placé le chien contre elle, il savait exactement ce qu’il devait faire et immédiatement cette fille l’a enlacé et s’est apaisée. Aucun mot n’a été échangé et, du regard, j’ai sommé les quatre professionnels de la relâcher. Ils m’ont fait confiance et la fille s’est mise à pleurer, pleurer, pleurer. Les quatre professionnels étaient très émus, ils n’en revenaient pas et surtout ne comprenaient pas  ». 

Car la magie d’Agnès et de ses chiens s’opère entre quatre murs, en toute intimité, dans un bureau. Les rendez-vous sont individuels afin de rassurer et sécuriser les jeunes patients. Mais ce jour-là, « il y a eu quatre témoins. Ils ont compris ce que pouvait faire un chien lorsqu’il est prêt à travailler. » Les regards étaient contemplatifs. A des années-lumière de ceux dubitatifs de 1998, quand Agnès était, avec son directeur, la seule à croire dur comme fer en ce projet qui s’est construit en deux ans et qui n’a cessé de convaincre durant les vingt années suivantes.

Je me lance !