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La longue route de Jason, autiste, vers l’autonomie
Jason est un adolescent autiste et non-verbal qui se bat pour devenir le plus autonome possible. Il a connu deux Handi’Chiens : d’abord Dusty et maintenant Okawa. Epaulé chaque jour par sa maman Audrey, qui nous a raconté son histoire, mais aussi son père et sa petite sœur, Jason réussit de lents mais solides progrès. Il vient même d’obtenir son passage en seconde !
Quand le diagnostic est tombé à l’âge de 5 ans pour Jason, adolescent autiste et non-verbal du Nord de la France, c’est presque le monde qui s’est écroulé pour ses parents. D’autant que les médecins n’avaient pas forcément choisi de prendre des pincettes. « C’était un peu une fin de vie pour lui, on nous disait qu’il était autiste, qu’il n’évoluerait pas et que de toute façon il n’y avait pas grand-chose à faire, se souvient avec amertume sa maman Audrey. Ce ne sont pas des choses, quand on est de jeunes parents, que l’on veut entendre pour l’avenir de son enfant ».
Jason vivait à l’époque dans les Ardennes et c’est un peu par hasard, à l’occasion d’une démonstration de notre délégation Nord Ardennes lors d’un marché de Noël, que sa maman a fait la connaissance de notre association. La famille s’installe ensuite dans le Nord, fin 2011, et le déménagement est ponctué par la visite de Florian Auffret, aujourd’hui chargé de mission de recherche et développement HANDI’CHIENS, avec les trois potentiels futurs chiens d’assistance du garçon, dont Dusty.
Pour Jason, c’est sûr et certain : son nouveau meilleur ami sera le golden sable. « Ils ont échangé un regard et se sont rapprochés tout de suite pour jouer sur le tapis. Puis à un moment Jason s’est levé et est parti en direction du jardin. Il s’est juste un peu tourné, a regardé le chien, et on n’a pas eu besoin de dire ‘lève-toi’ ou quoi que ce soit, Dusty s’est levé et l’a suivi, décrit Audrey. Et là on s’est regardé avec Florian et on s’est dit ‘bon bah c’est lui’ ». Par chance, Florian Auffret connait déjà le makaton, système de communication par gestes et symboles, dont il échange quelques notions avec Jason. Dusty repart avec un t-shirt portant l’odeur de Jason puis, quand il revient définitivement en janvier 2012, il se sent déjà très proche de son bénéficiaire et sait répondre, en plus, à quelques commandes en makaton. Des signes simples pour dire « assis », « couché » ou encore « c’est fini ».
L’attente a cependant été longue. De la première visite de Dusty, il reste une photo dont Jason ne se sépare même pas la nuit. « Il dormait avec sa photo, et tous les jours il nous la montrait et cherchait à me dire ‘quand’ », explique Audrey. Car malgré de vaillants efforts, Jason ne peut formuler ses questions ou ses remarques. Une dyspraxie verbale est suspectée. C’est un trouble neurologique qui provoque une grande difficulté à planifier et exécuter les mouvements de langue, bouche et cordes vocales nécessaires à la prononciation d’un mot ou d’une phrase. « Quand il veut dire quelque chose volontairement, ça ne sort pas, et quand on le comprend, c’est qu’il a dit quelque chose de manière involontaire », décrit-elle.
Le jour du retour de Dusty, Jason est surexcité. Il guette son arrivée, saute sur le canapé et quand, enfin, Florian Auffret et le chien franchissent le pas de porte, Jason crie son amour pour sa maman. « Il m’a dit ‘je t’aime’, c’était la première fois en sept ans que mon fils me disait ‘je t’aime’… Je suis partie dans la salle de bain, je suis allée chialer un coup et je suis revenue ! » se souvient-elle en riant.
Être un enfant autiste et non-verbal, c’est avoir mille émotions mais ne pas pouvoir en décrire une seule. Chaque soir avant l’arrivée de Dusty, faute de pouvoir mettre des mots sur ses sentiments de la journée, Jason s’endormait au bout de longues crises de pleurs aux côtés de sa mère, elle aussi bouleversée. « Cela pouvait durer trois, quatre heures. Il pleurait sans arrêt. Je ne sais pas si vous vous imaginez ce que c’est, en tant que parent, ça vous retourne le cœur. Vous voyez votre enfant en pleurs et en détresse et vous n’arrivez pas à le consoler. C’était atroce. On finissait par s’endormir, mais c’était parce qu’on avait pleuré d’épuisement ».
« Et puis Dusty est arrivé, poursuit Audrey. Et tout s’est arrêté aussitôt. Le soir où Florian a déposé Dusty, le chien est monté, s’est couché sur le lit avec Jason, et Jason s’est endormi. C’était fini ».
Chez l’orthophoniste aussi, quelque chose a tout de suite changé. Habituellement hyperactif à chaque rendez-vous, Jason est cette fois capable de s’asseoir et de suivre la séance calmement, rassuré par la présence du chien. « Sur le long terme, ce qui a vraiment été frappant c’était le fait qu’il accepte de nous montrer, aux professionnels comme à nous, qu’il avait des acquis qu’on ne soupçonnait pas, révèle Audrey. On a découvert qu’il savait lire, qu’il savait écrire, qu’il savait compter… et qu’il avait des capacités cognitives qu’on était loin de mesurer ».
A l’école, en revanche, c’est la déception. Dusty n’est pas autorisé à pénétrer dans l’enceinte. Ses parents décident alors de changer Jason d’établissement mais, même au sein de la classe ULIS qu’il rejoint ensuite, le chien n’est pas le bienvenu. Dusty se contente de suivre son bénéficiaire jusqu’aux portes d’entrée, jusqu’au jour où Jason tente une « percée ». Mais le directeur se met en travers de son chemin et lui dit « c’est toi ou ton chien, vous ne rentrerez pas tous les deux ». Audrey se souvient qu’à cet instant-là son sang n’a fait qu’un tour : « Je lui ai dit ‘bah c’est fini, ce ne sera ni l’un ni l’autre’, je récupère mon enfant, on le déscolarise, c’est terminé ». Jason commençait à développer une phobie scolaire et s’il s’épanouit désormais grâce au CNED règlementé, le souvenir est encore vivace. Un jour, en voiture, alors que sa mère empruntait par hasard le même chemin que pour aller à son ancienne école, Jason a fait le rapprochement. « Il m’a dit ‘non, non, je ne veux pas’, parce qu’il croyait que je le ramenais là-bas ».
Dans la cour de récréation, cela ne se passait pas bien non plus avec ses camarades de classe qui le repoussaient toujours à partir du moment où ils se rendaient compte que Jason ne parlait pas. Audrey se souvient d’une fois, à Disneyland Paris, où son fils avait passé la journée à jouer avec des tas d’enfants étrangers, non francophones, « et ça se passait très bien car vu qu’il y avait des Espagnols, des Anglais, etc, personne ne se comprenait de toute façon ». Evidemment, à l’école, c’était tout autre chose. Jason avait donc un manque particulier à combler : « Je pense qu’il avait besoin d’un ami et il savait que l’amitié du chien serait indéfectible ».
Au fil des ans, Jason continue son travail sur l’autonomie et s’essaie même parfois à quelques balades sans Dusty. « Il se sentait capable, il avait pris tellement confiance grâce à son chien », témoigne Audrey. Jason comprend aussi bien plus de choses, y compris l’indéniable : Dusty vieillit. Puis il tombe malade. Au premier confinement de la crise de la Covid-19, toute la famille se rend compte que le chien boit anormalement beaucoup. Dusty est emmené chez le vétérinaire, lequel constate un grave problème au foie. Quelques semaines plus tard, et après une dégradation rapide de l’état de santé du chien d’assistance, le vétérinaire se rend chez la famille un matin de juillet. Jason, ayant déjà perdu son grand-père, affronte tant bien que mal ce nouveau traumatisme. « Je lui ai dit, le matin, qu’aujourd’hui serait le jour où Dusty partait rejoindre son papy, raconte Audrey. Du coup il lui a fait des tas de câlins, plein de bisous. Puis il est remonté et n’est pas redescendu. Quand il a entendu sonner, il n’est pas revenu car il savait que c’était pour ‘Doudou’ ».
Dans ce malheur, les étoiles s’alignent et Jason apprend qu’il va pouvoir accueillir très rapidement un nouvel Handi’Chien. Il faut cependant attendre encore quinze jours. Deux semaines très éprouvantes pour Jason qui ne se remet pas du décès de Dusty. « Cela a été très dur, se souvient Audrey. Il en a perdu la moitié de ses cheveux. La maison semblait vide ». Okawa débarque dans ce contexte fin juillet 2020, avec pour lui l’avantage de ressembler comme deux gouttes d’eau à Dusty (« on dirait qu’ils sont jumeaux »). Ce qui permet d’installer d’autant plus facilement une complicité avec Jason, quant à lui tout heureux de retrouver un chien d’assistance. « Il était soulagé, comblé » dixit Audrey.
Fort de sa précédente expérience avec Dusty, le jeune garçon trouve très rapidement ses marques avec le golden sable. Lequel sait faire preuve de beaucoup d’initiatives. « Okawa n’attend pas l’ordre. Je n’ai pas besoin de dire ‘va avec Jason’, il le fait de lui-même, apprécie Audrey. Plein de petites choses se sont faites instantanément entre eux, ils se sont bâtis tout seuls un mode de fonctionnement. Je n’ai pas eu besoin d’intervenir ». La famille a également eu une idée brillante lors du stage avant l’arrivée d’Okawa : associer le son d’un sifflet au « viens » dès les premières promenades afin que l’adolescent non-verbal puisse rappeler lui-même son chien. « Et ça se passe bien comme ça ». Autre différence entre Dusty et Okawa : le second est beaucoup plus joueur, ce qui ravit évidemment Jason. Très complices et inséparables, ils jouent régulièrement au ballon dans le jardin.
Jason travaille à nouveau son autonomie lors de courts déplacements seul jusqu’à la boulangerie, à 200 mètres de la maison. Il est cependant encore trop tôt pour les balades seul avec Okawa. Jason en serait capable, mais Audrey ne sait pas si, en cas de « fuite » d’Okawa, son fils aurait tout de suite le réflexe de lui envoyer un texto pour la prévenir le plus vite possible. Récemment, elle a cependant été témoin d’un progrès significatif dans la salle d’attente de l’ophtalmologue. « Il m’a posé des questions toutes simples mais il ne l’avait encore jamais fait, s’étonne-t-elle encore. Il regardait des photos sur mon téléphone et m’a dit ‘c’est qui ?’ puis ‘c’est où ?’ » Audrey savait qu’il fallait réagir naturellement, calmement. Mais à l’intérieur, quelle émotion ! Son mari a d’ailleurs eu peine à y croire quand elle lui a relaté l’événement le soir même.
Durant cet été 2021, Jason va se préparer pour son passage en seconde. Une réussite que n’osaient trop espérer ses parents (« j’ai dû relire quatre fois le papier ! ») et qui implique des tas de questions sur le choix de sa future carrière, la possibilité d’y inclure Okawa, etc. Un peu comme des « problèmes de riches » en somme : ces doutes et questionnements qui n’accompagnent que les grandes réussites qu’on ne pensait pas forcément possibles. « On va se laisser du temps, on va retravailler tout ça avec les professionnels, assure Audrey. Nous ce qu’on veut c’est qu’il soit bien dans ses baskets, qu’il soit le plus autonome possible et qu’il se rende compte qu’il a des capacités et qu’il n’est pas bête comme on a pu lui dire. Tout ce qu’on veut vraiment c’est son bien-être ».
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